Recours Direct : quand la MAAF contourne le droit du non-responsable…
Confrontée à une procédure de recours direct de la part du cabinet d’expertise AAME, la Maaf révèle, dans ce courrier envoyé à Axa, assureur de l’automobiliste non responsable, son manque de respect du droit de celui-ci au libre choix de ses prestataires. Et de son droit au recours direct tout court, puisque la compagnie enjoint ici Axa à enregistrer le sinistre de son assuré et… à l’indemniser elle-même avant de procéder à un recours forfaitaire envers elle !
Le monde de l’assurance peut parfois prendre des airs d’association de malfaiteurs… Surtout quand de petits arrangements “entre amis” sont faits dans le dos des automobilistes au mépris total de leur droit le plus strict. C’est ce que révèle cet étonnant courrier envoyé à Axa par la Maaf, cette dernière ayant fait l’objet d’une procédure de recours direct de la part du cabinet d’expertise azuréen AAME à l’encontre d’un de ses assurés, responsable d’un sinistre.
La Maaf y affiche, en effet, son mépris total du, ou plutôt des droits dont bénéficie l’automobiliste non responsable. D’abord, son droit au libre choix du professionnel chargé de défendre ses intérêts, puis son droit au recours direct. Mais avant tout, elle dénie le droit de la victime de ne pas déclarer son sinistre à son assureur, aucun article de loi ne l’obligeant à le faire, puisque non responsable. Ce faisant, la Maaf a donc informé Axa à la place de son assuré, au risque que celle-ci n’inscrive l’accident dans son dossier quand seuls les sinistres dont il porte la responsabilité devraient y apparaître.
Contre son propre Code
Et la Maaf l’a visiblement très mauvaise, celle-ci reprochant carrément à Axa l’outrecuidance de son client. «Votre assuré n’a pas fait de déclaration auprès de vos services et a mandaté une société privée (AAME) pour effectuer son recours auprès de notre compagnie d’assurance», écrit le service client dans sa lettre. «Ce genre de pratique devient habituel et jusqu’à présent, la Maaf a toujours refusé de faire droit aux réclamations de ces sociétés et se laisse assigner», confesse plus loin le même service.
Un déni manifeste d’un droit qu’offre pourtant le Code des assurances lui-même aux assurés, à travers l’article de loi L124-3. Lequel dispose précisément que «le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable», autorisant donc tout simplement le recours direct et n’obligeant en rien à passer par son assureur pour régler le litige. Un droit bafoué par la Maaf, donc, qui affirme ouvertement préférer faire traîner l’affaire jusqu’à comparaître devant les tribunaux, où la compagnie s’est pourtant déjà fait condamner, suite à des procédures menées, déjà, par le cabinet AAME. S’il fallait une preuve de la peur qu’inspire le recours direct aux assureurs, la voilà…
Des décisions pas si variables
Le 19 juin dernier, en effet, c’est une juridiction de proximité qui condamnait la Maaf à régler à l’assuré le montant du chiffrage réalisé par AAME, les frais d’expertise et, bien sûr, les dépens de la procédure au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Presque dans le même temps, le Tribunal d’Instance de Grasse avait alors condamné de la même manière la Macif dans le cadre d’une procédure intentée, là encore, par le cabinet AAME. Ce qui contredit donc légèrement la Maaf, lorsqu’elle affirme dans le courrier que «les décisions des tribunaux en la matière sont variables, en fonction des juridictions saisies (tribunaux de proximité et T.I.)».
Lorsque les procédures de recours direct sont menées avec la même rigueur, pourtant, les mêmes causes semblent produire les mêmes effets, l’assureur récalcitrant finissant par devoir indemniser la victime, à payer l’expertise et à régler les dépens, à en croire l’expérience de Karim Megrous, patron d’AAME. Oon comprend donc d’autant moins l’obstination de la Maaf à se laisser assigner. Mais peut-être celle-ci, en privé, se rend-elle compte qu’elle va au-devant de défaites certaines, puisqu’elle propose à Axa, plus loin dans la lettre, de… payer son propre assuré pour le sinistre qu’il n’a pas commis !
Un enfant dans le dos
«Afin de ne pas rentrer dans le jeu d’AAME et de limiter les frais, ne serait-il pas judicieux que votre compagnie d’assurance règle le montant du préjudice de votre assuré et nous passe un recours forfaitaire ? De ce fait, AAME serait beaucoup moins crédible devant un tribunal puisque le principal aurait été réglé», propose en effet, sans honte, le service client de la Maaf à Axa. Une démarche visant à discréditer le recours direct en forçant la victime à recevoir un règlement de son assureur, en d’autres termes à… acheter la victime. Si tant est que celle-ci accepte bel et bien l’argent de sa compagnie.
N’est-il pourtant pas venu à l’idée à la MAAF que l’automobiliste accidenté mais non responsable pratiquait le recours direct par conviction ? Car ce n’est pas par hasard que l’on fait appel à un expert indépendant pour exercer un recours direct : la non inscription du sinistre au dossier, l’indemnisation au centime près sans écoper du règlement forfaitaire de la convention IRSA, et tout bonnement l’exercice de son bon droit sont des motivations qui vont au-delà de la simple réparation financière du préjudice. Non, la MAAF préfère proposer à Axa un petit arrangement “entre amis” afin de tuer dans l’œuf une démarche tout ce qu’il y a de plus légitime et légale pour l’assuré non responsable.
Noyer le poisson
Bien entendu, ce courrier n’a pas été envoyé à l’assuré lésé, pas plus qu’au cabinet AAME. Ce dernier ne s’est vu adresser par la MAAF qu’un courrier réclamant la mise en place d’une expertise contradictoire, histoire de noyer le poisson. Non, cette lettre n’a été envoyée qu’à Axa, les tours de passe-passe des assureurs devant bien entendu rester entre assureurs. Rien ne dit, pour l’instant, qu’Axa ait accepté de jouer le jeu de la Maaf et de payer son assuré à sa place.
Mais nul doute que si cela se produit, l’assuré victime devrait le faire savoir à l’expert qu’il a mandaté, et peut-être refuser tout simplement le règlement. Du moins s’il souhaite faire respecter son droit le plus strict et ne pas céder au graissage de patte.
Quoi qu’il en soit, nous ne manquerons pas de vous informer de la suite des événements. Et de la réaction de l’automobiliste non responsable…