Crise en Ukraine : Les tensions industrielles s'intensifient
La filière automobile n’est pas encore sortie de la crise liée au Covid et à la pénurie de semi-conducteurs. Elle est déjà très impactée par la forte hausse des cours des matières premières et de l’énergie, et la guerre en Ukraine va encore fortement accentuer ces effets inflationnistes qui engendrent de très fortes tensions dans la filière et une grande fragilisation de nombreuses entreprises.
Nous nous trouvons actuellement au cœur d’une spirale inflationniste qui va avoir des conséquences économiques fortes et durables sur nos entreprises. Chacun a pu constater combien les prix augmentent dans tous les secteurs, de l’équipement au produit fini, de l’Automobile au Poids lourd, de l’Industrie au Service. Et ces hausses permanentes se répercutent, en cascade, jusqu’au client final, car nul autre choix n’apparaît. Il est aujourd’hui extrêmement complexe d’établir des prix plusieurs mois à l’avance pour les clients, puisque chaque jour ou semaine apporte son lot d’augmentations à répercuter. Augmentations que certains clients peinent à comprendre, ce qui met les entreprises dans des situations critiques, qui engagent parfois leur survie.
Agnès PANNIER RUNACHER, Ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie, a ainsi réuni mercredi 2 mars l’ensemble des filières industrielles, pour évaluer les impacts de la guerre en Ukraine sur les secteurs industriels. Les objectifs de la réunion consistaient à identifier les goulets d’étranglement en intrants critiques : métaux, composants, énergies…
En amont, la Ministre avait échangé de façon plus approfondie avec 4 filières (automobile ; aéronautique ; agroalimentaire ; mines, minerais et matériaux). La FFC et son président Patrick CHOLTON, se sont associés à la PFA pour remettre à la Ministre la note concernant la filière Auto, note réalisée grâce aux premières remontées que vous avez pu nous faire. Ces informations remontant du terrain restent fondamentales pour affiner les réponses à mettre en place, nous vous invitons donc à continuer de nous faire parvenir l’ensemble de vos remarques, problématiques…, rencontrées au quotidien.
Il est encore trop tôt pour cartographier précisément les impacts de la guerre en Ukraine et des sanctions imposées à la Russie sur notre filière, mais quatre types d’impacts potentiels ont été identifiés à ce stade
Impacts liés aux activités réalisées
en ou pour la Russie et l’Ukraine
En dehors de Renault et de quelques PME, l’impact direct de la crise semble assez limité sur les entreprises de la filière. Il y a relativement peu de fournisseurs critiques basés en Ukraine ou en Russie pour nos usines en France, contrairement aux Allemands qui sont notamment confrontés à une rupture d’approvisionnement de faisceaux de câbles (fournisseurs en Ukraine) et d’autres composants. Ce qui pourrait poser problème à notre industrie, qui s’approvisionne massivement en Allemagne.
Impacts sur l’approvisionnement en matières premières
– L’aluminium
Pour les fonderies, la menace principale réside dans l’approvisionnement en aluminium (risque de contre-sanctions russes). L’un des acteurs majeurs de la fonderie sous pression alu s’approvisionne à hauteur de 30 % en Russie ; les fondeurs non directement concernés craignent eux une hausse des prix. L’aluminium représente une part non négligeable dans la construction automobile et PL.
– Le nickel
Nécessaire à la fois pour la fabrication des batteries et pour certains aciers spéciaux. La Russie en est le 3ème pays producteur et représente environ 10% du marché
– Le Cobalt (coproduit du nickel)
La Russie est le 2e pays producteur et représente environ 4% du marché.
– Les aciers spéciaux (tôles magnétiques, aciers pour roulements 100C6…)
Également utilisés par les forges automobiles. Le plus gros producteur russe a fourni notamment 15 à 20 % d’aciers spéciaux en 2021 à l’un des gros faiseurs en France.
– Le minerai de fer
La Russie est le 5e producteur Mondial (risque sur les coûts acier).
– Le palladium (40 à 50% de la production mondiale en Russie, 25% en Afrique du Sud)
Deux applications principales (semi-conducteurs et pots catalytiques). En 3 mois, le gramme est passé de 50 à 70€ (+40%). Un pot catalytique contient entre 2 et 10g de Pd.
La Russie est également 2ème producteur mondial pour le Platine et rhodium (env. 10% du marché).
– Ferro-alliages (chrome, manganèse, titane)
Forte dépendance envers l’Ukraine, applications en pyrométallurgie (électrodes) et pour les aciers inoxydables.– Noirs de carbone
Constituent une charge renforçante utilisée pour la fabrication de la plupart des articles en caoutchouc (pneumatiques, mais aussi joints, profilés d’étanchéité, pièces antivibratoires, bandes transporteuses…).
Impacts sur la pénurie de semi-conducteurs
Risque de difficultés d’approvisionnement d’intrants nécessaires pour la fabrication de composants électroniques, notamment le palladium, le néon et le gaz C4F6, ce qui pourrait aggraver la pénurie actuelle.
Impact sur l’augmentation des cours des
matières premières et de l’énergie
Risque d’aggraver le phénomène inflationniste qui frappe de plein fouet depuis plusieurs mois les entreprises de la filière.
Autres impacts déjà constatés ou anticipés
Situation logistique
– Les envois de composants européens vers la Russie (qui en situation ordinaire prennent déjà 5 jours) sont actuellement parfois bloqués dans de longues files. On signale 100km de queue à la frontière avec la Biélorussie. Les chauffeurs, ne souhaitant prendre aucun risque dans cette zone, commencent à manquer. Certaines usines ont seulement quelques jours de stocks et connaissent déjà des microcoupures des lignes de production. Certains industriels en viennent à hésiter à envoyer des pièces, ne sachant si finalement ils pourront être payés (coupure des flux financiers).
-Suite à l’invasion russe, les grands armateurs mondiaux (MSC, Maersk, CMA CGM et Hapag-Lloyd) ont d’ailleurs annoncé une interruption de leurs lignes en provenance et vers ce pays.
– Risque d’augmentation du prix du pétrole (actuellement autour de 110$ le baril) vers 116$ (estimation IHS), avec pour conséquence une diminution des budgets des ménages et une baisse des marchés auto (en particulier en UE et aux US, la Chine et le Moyen-Orient restant probablement moins impactés).
– Risque d’augmentation du prix du gaz (et de l’électricité), d’où une augmentation importante des coûts de production et du prix des véhicules (déjà en forte inflation).
A l’issue de cette réunion de crise, il apparaît très clairement qu’un plan de résilience doit être mis en place. Le premier point touche à la stabilisation des coûts de l’énergie, notamment pour les activités très énergivores comme la forge/fonderie pour l’automobile ou le véhicule industriel.
Par ailleurs, la Ministre indique que les entreprises très exposées au gaz et qui risquent de devoir arrêter leur activité feront l’objet d’une attention particulière. Elles doivent donc se faire connaitre au plus vite. Une cellule de crise va être mise en place pour couvrir trois sujets : l’approvisionnement énergétique, les commodités et les métaux critiques et le double sourcing. Là encore, nous avons besoin de vos remontées.
Patrick CHOLTON, président de la FFC, participe à la Task Force mise en place par le gouvernement, et échange ainsi heure par heure avec les pouvoirs publics. Nous continuerons de vous tenir au courant, en temps réel, des avancées en faveur du soutien à l’industrie et à la filière en particulier.