NOx : les camions deux fois plus propres que les véhicules de tourisme diesel
Dans son dernier rapport, l’organisme indépendant ICCT (International Council on Clean Transportation) révèle que les véhicules de tourisme émettent en réalité deux fois plus de d’oxyde d’azote que les poids lourds. Un résultat surprenant qui trouve son explication dans les conditions de mesure des polluants radicalement différentes entre ces deux types de véhicule.
Alors que le diesel avait déjà mauvaise presse notamment depuis l’affaire Volkswagen et la médiatisation des pics de pollution en France, le dernier rapport dirigé par l’ICCT met aujourd’hui de l’eau au moulin des anti-dieselistes. Ce dernier affirme que les émissions moyennes de NOx des véhicules de tourisme seraient deux fois plus élevées que celles des poids lourds. En effet, ces rejets moyens atteindraient 210 mg/km de NOx contre 500 mg/km pour les véhicules de tourisme. Ces résultats sont basés sur la mesure des niveaux d’émissions de 24 camions et autocar Euro IV, réalisée sur les bancs de puissance du VTT, Technical Research Center of Finland et par la KBA, organisme d’homologation allemand.
Alors que les poids lourds consomment environ cinq fois plus de carburant que les véhicules de tourisme, un tel décalage peut s’avérer surprenant mais s’explique par une réduction significative des émissions de NOx des poids lourds depuis 2011, année durant laquelle des tests de mesure de NOx beaucoup plus stricts ont été mis en place en Europe. Ces derniers sont basés sur les conditions réelles de conduite : un appareil baptisé PEMS (Portable Emissions Measurement System), branché sur la sortie d’échappement, quantifie les niveaux de pollution des poids lourds circulants sur routes ouvertes. Pour rappel, le protocole d’homologation pour les véhicules de tourisme n’implique pour le moment pas de test en conditions réelles, mais seulement en laboratoire.
Les limites des émissions de NOx explosées
Résultats, pour se conformer au niveau d’exigence instauré par les législations européennes, les camions embarquent actuellement des technologies de réduction des NOx de pointe, dont les véhicules légers ne sont pas équipés. Ces outils restent en effet soit inadaptés au gabarit des véhicules particuliers ou présentent un coût prohibitif, trop élevé pour être amorti sur un véhicule léger. Le rapport de l’ICCT souligne ainsi que les émissions de NOx des véhicules de tourisme dépassent de 6 à 7 fois les limites réglementaires de 80 mg/km imposé par la norme Euro VI, un fait déjà avéré via de nombreuses études menées par des pays d’Europe ou par des laboratoires.
L’ICCT relate aussi le classement des 30 véhicules diesels Euro IV les plus polluants, réalisé par le gouvernement allemand. Dans le top 3, le Renault Kadjar 1,5 l dont le niveau de NOx s’avère en réalité 16 fois supérieur à la limite réglementaire, sa version 1,6 l dont les rejets de NOx dépassent de 15 fois la limite et le Suzuki Vitara dont les émissions réelles sont environ 11 fois plus importantes que le seuil réglementaire de 80 mg/km. Ce décalage flagrant entre les niveaux d’émissions de NOx entre les véhicules de tourisme et poids lourds pourrait bien s’atténuer dès 2017 avec l’instauration du cycle d’homologation RDE en septembre. Pour rappel, consciente des failles de l’actuel cycle d’homologation NEDC (New European Driving Cycle), la Commission européenne a entrepris de mettre au point une procédure d’essai permettant de mesurer les émissions également sur route et en conditions de conduite réelles (Real Driving Emission, ou RDE) au lieu de les mesurer uniquement en laboratoire comme c’est le cas actuellement.
Un nouveau seuil de 168 mg/km contre 128 initialement
Mais la mise en place de ce protocole RDE s’était accompagnée d’un assouplissement de la norme limité d’émissions de NOX en conditions réelles. Limite qui prend en fait la forme d’un coefficient multiplicateur. Ainsi, initialement, les véhicules ne devaient pas émettre plus de 128 mg/km de NOx, soit 1,6 fois le plafond autorisé dans l’Union européenne et matérialisé par la norme Euro6 (80 mg/km). Cette norme était à la base applicable à compter du 1er janvier 2017.
Cependant, en octobre dernier, les États européens ont voulu tempérer les ambitions de Bruxelles en proposant un coefficient multiplicateur de 2,1, soit 168 mg/km de NOx en conditions réelles de conduite. Non seulement le niveau limite d’émissions de NOx autorisé est donc devenu deux fois plus important que le niveau préconisé par la norme Euro6, mais l’échéance d’application de cette nouvelle norme a été également repoussée de deux ans, à 2019 contre 2017 initialement.
Entre 2017 et 2019, les véhicules devront respecter ce seuil de 168 mg/km lors des tests réalisés en conditions réelles. À partir de 2020, les véhicules pourront encore dépasser de 50 % le plafond fixé par la norme Euro6, avec un coefficient fixé à 1,5. Ce qui restera visiblement, malgré cet assouplissement des normes, un grand défi pour les constructeurs, compte tenu de ce dernier rapport du ICCT.