Procès des épaves roulantes : verdict aujourd’hui
En janvier 2014, un jeune homme de 22 ans, passager d’une Clio sportive, avait trouvé la mort sur une route nationale de Milly-la-Forêt (Essonne).
Le conducteur du véhicule, initialement mis en cause pour vitesse excessive et poursuivi pour homicide involontaire, avait été innocenté en juin. Sa voiture, achetée quelques jours avant l’accident dans un garage des Hauts-de-Seine, était en fait un « véhicule gravement endommagé » (VGE) remis frauduleusement en circulation.
Après un premier sinistre, elle avait été rachetée et réparée illégalement par le remorqueur d’une casse automobile. Un ami garagiste avait authentifié les travaux pour leur donner un cachet professionnel. Le tout avait été validé par un expert automobile, qui a reconnu lors du procès ne pas avoir effectué le suivi réglementaire.
Des approximations qui ne l’ont pas empêché d’autoriser la remise en circulation de la Clio. Achetée 1.300 euros à un assureur, l’épave a été revendue 9.900 euros en bout de chaîne.
Une contre-expertise judiciaire a montré qu’elle ne pouvait pas rouler sans danger au-dessus de 40 km/h.
Le rapport met la perte de contrôle du véhicule sur le compte de l’essieu arrière desserré, et posé d’occasion là où du neuf est normalement requis. La Clio a ensuite percuté une autre voiture, et s’est ouverte « comme une vulgaire boîte de conserve » à cause de soudures « anarchiques » sur la carrosserie, a résumé le procureur Bertrand Daillie lors du procès en novembre.
Il a demandé des « condamnations exemplaires » contre les trois hommes: cinq ans de prison dont un ferme, et 50.000 euros d’amende pour l’expert automobile; trois ans d’emprisonnement dont six mois ferme et 20.000 euros pour le remorqueur; et un an de prison avec sursis et 10.000 euros à l’encontre du garagiste.
Le ministère public estime que ce procès touche à « une mafia » au sein de l’univers automobile. En 2015, une autre affaire avait révélé que trois experts du Val-d’Oise avaient remis frauduleusement en circulation 5.000 véhicules gravement endommagés. Réexpertisées sur ordre du ministère de l’Intérieur, ces voitures se sont révélées, pour 1.100 d’elles, des épaves roulantes.
Lors du procès de la Clio, les prévenus ont reconnu des manquements mais nié tout trafic. Le remorqueur s’est présenté comme un « passionné d’automobile », amoureux de la petite sportive, qu’il aurait réparée pour faire des courses, avant de la vendre pour éponger des dettes.