Une occasion à saisir pour les réparateurs
Outil porteur, fédérateur et souvent rémunérateur, le véhicule d’occasion constitue le nouveau dada des petits et moyens garagistes. Bien entourés et bien organisés, ces derniers peuvent y trouver bien plus qu’un complément d’activité.
Le VO pour guérir les bobos ? Alors que le marché du véhicule neuf tend à se stabiliser tout en laissant poindre les signes d’une relance imminente, les années de vache maigre semblent avoir laissé des traces. Ces dernières années, constructeurs, groupes de distribution et concessionnaires ont ainsi trouvé dans les secondes mains un moyen de sauver les meubles. Voire mieux. Forts de probants résultats, nombreux ont été les opérateurs à professionnaliser cette activité au sein de leurs structures tandis que les constructeurs ont affiné leurs offres et leurs messages de sorte à présenter aux automobilistes, avec ce type de véhicules, bien plus qu’une solution de repli. Grâce à ces efforts mais aussi, et peut-être même surtout, à cause de la crise économique, il se vend désormais trois VO pour un VN en France. Autant dire que ce marché se porte bien ! En 2014, celui-ci a ainsi totalisé 5,6 millions d’immatriculations, soit une progression de 2,6 % en un an, alors que la tendance semble se confirmer en 2015. Au terme d’un été record (920 000 ventes sur juillet et août), les volumes atteignent 3,7 millions d’unités après huit mois (+ 2,4 %) et attisent plus que jamais l’ambition des petits réparateurs. Si les exemples de VO en vente chez de petits garages locaux sont légion et ne datent pas d’hier, le phénomène prend actuellement une ampleur inédite. Selon des procédés, des volumes et des ambitions bien différents, une quantité de professionnels non spécialisés se lance désormais sur cette voie. “Aujourd’hui, chacun essaie de faire un peu de VO selon la dimension de son affaire, car c’est un élément extrêmement important dans l’équilibre financier de nos entreprises”, note Jean-Luc Durieux, vice-président du groupement national des agents Citroën, ajoutant que “faire 4 ou 5 ventes chaque mois, c’est faisable pour une petite structure et ça n’engage pas beaucoup de trésorerie”. On en vient là à un élément fondamental du boom de cette activité. Qui dit petites structures, dit également chiffre d’affaires limité et donc marge de manœuvre restreinte pour se développer. Or, avec des profils très hétéroclites et des modes d’accession variés, les secondes mains demeurent le facteur de croissance le plus malléable.
Pas indispensable d’avoir un stock
Et donc in fine le plus rentable. “En fait, le métier de garagiste comprend quatre activités : la vente de VN, la vente de VO, la réparation et la carrosserie. Mais entre toutes, celle qui permet de dégager les meilleures marges reste la vente de VO” souligne le président de la branche agents et indépendants du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA), Philippe Debouzy. La plus rentable mais aussi la moins risquée. Fort d’une réputation locale souvent bien établie, ces réparateurs peuvent compter sur une demande régulière à défaut d’être exorbitante. M. Debouzy explique alors la position particulière et enviable de ces garages : “L’aspect “réparateur” est un élément fondamental dans le but de rassurer le client. C’est un vrai plus pour ces professionnels par rapport à de gros marchands que de revendiquer d’emblée un savoir-faire et une maîtrise des aspects réparation, entretien ou carrosserie. Et c’est d’autant plus un atout que ces affaires se basent très souvent sur une clientèle fidèle et déjà acquise”. Une sensation confirmée par Jérôme Sirgue, directeur associé achats-ventes de SN Diffusion, mandataire VN et VO basé à Albi (81). “C’est vrai que la clientèle de ces garages est différente. Ils entretiennent avec leur réparateur une certaine proximité et ne vont pas forcément acheter là où c’est le moins cher mais là où ils se sentent en confiance. D’une certaine façon, sans doute sont-ils moins exigeants avec le véhicule et davantage avec tous les à-côtés.” L’autre facteur de réussite tient également, comme suggéré plus haut, dans l’aspect fonctionnel du VO. Avoir du stock ou non ? Telle est la question. Si certains possèdent assez de ressources pour en avoir un, d’autres s’y refusent. Faute de moyen ou par simple conviction. Garagiste à Civray (86), Alain Jarry explique ainsi “ne pas avoir un budget assez important pour avoir un stock”. Pour pallier à cela, ce dernier consent travailler “essentiellement à la demande, avec des clients fidèles, et grâce au bouche-à-oreille. De cette manière, je perds très rarement de l’argent avec mes occasions”. Grâce à ce procédé auquel il faut ajouter les reprises clients, le garage Jarry écoule chaque année entre 20 et 25 VO. Plutôt que de ne travailler uniquement qu’au coup par coup, d’autres font le choix de se spécialiser sur une ou deux marques cibles. Une solution qui prend corps face à la multiplicité des modèles mais aussi face à la complexité croissante des technologies rendant la vente de VN ou de VO toujours plus difficile. Spécialiste de ce sujet avec son affaire EDP Autos, Damian Ciesielczyk porte un regard attentif sur l’évolution de ce marché. “Au niveau des véhicules, j’ai l’impression que la maîtrise technique prédomine de plus en plus sur l’âge, note ce dernier. Les réparateurs vont d’abord chercher des modèles qu’ils connaissent ce qui a l’avantage de minimiser les erreurs, et donc les coûts, mais aussi de ne pas faire appel à un employé supplémentaire dédié à cette activité”.
L’apport des spécialistes
Reste que cette organisation a minima, cette optimisation des ressources propres en quelque sorte, ne peut constituer une solution viable pour permettre à ces affaires de franchir un cap. Un gouffre sépare en effet la vente ponctuelle de 2 ou 3 occasions à une autre plus régulière de 15 ou 20 véhicules. Pour réduire ce vide, certains acteurs ont fait le choix d’externaliser en totalité ou en partie la gestion de leur activité VO. “C’est un vrai plus si on arrive à la maîtriser, ajoute Damian Ciesielczyk. Les réparateurs cherchent donc à optimiser cette activité et sont de plus en plus nombreux à travailler avec des spécialistes”. Des propos corroborés par Jérôme Sirgue : “Le service que nous demandent ces professionnels tient en trois mots : rapide, facile et fiable. Il faut que les papiers du véhicule soient faits, que celui-ci ne se situe pas très loin et qu’on puisse leur répondre en cas de soucis”. Avec ou sans l’aide de ces sous-traitants, certains obtiennent aujourd’hui des résultats tellement importants que leur spécialité initiale se confond alors avec leur activité complémentaire. Directeur des activités de VPN Autos, David Rairolle met ainsi en avant ces garages, encore rares mais toujours plus nombreux, qui ont “investi dans le VO avec un parc de véhicules, une personne dédiée et une organisation globale bien pensée. Nous travaillons avec le réseau Bosch Car Service et, dans celui-ci, certains adhérents se sont tellement pris au jeu que l’on peut très bien imaginer qu’ils aient demain un panneau VPN et qu’ils soient considérés comme des spécialistes du véhicule d’occasion”. Derrière le bilan à première vue idyllique demeure une réalité plus complexe. Si l’accès au VO reste aisé, le maintien tout autant que le développement de cette activité reste assujetti à des éléments aussi bien endogènes qu’exogènes. Tout aussi porteuse soit-elle, la vente de VO trouve actuellement ses limites dans l’approvisionnement. Si les filières semblent s’être installées assez naturellement – les concessions locales comblent ainsi les ambitions de leurs garages voisins alors que les marchands spécialisés permettent d’optimiser les demandes ou de répondre à des volumes plus importants encore qu’Internet, nous y reviendrons, joue lui aussi son rôle – celles-ci peinent à combler toutes les attentes. Passé huit ans d’âge, les ressources en seconde main s’amenuisent vertigineusement. Les dernières mesures environnementales visant à faire disparaître les véhicules les plus anciens jouent clairement en leur défaveur.
Le “VO social”, cette denrée rare
“Nous sommes aujourd’hui dans une ignorance totale des VO, étaye René Sellier, membre du conseil d’administration de Caréco, premier réseau de pièces détachées et de voitures d’occasion. Aucune mesure ne va dans leur sens alors qu’ils ont une réelle utilité pour des gens qui possèdent des modèles anciens et qui n’ont pas les moyens de changer d’auto”. Cette catégorie de véhicule que M. Sellier décrit lui-même comme du “VO social” devient ainsi une denrée rare. Pourtant, comme le précise ce dernier “75 % des clients qui ne passent pas par une concession recherchent des Clio, 206 ou Fiesta de moins de 150 000 km et à moins de 4 000 r. Lorsque l’on sait qu’on détruit aujourd’hui des voitures de 60 000 km, ça donne à réfléchir”. Nonobstant cet écueil, le rôle de Caréco et plus globalement de la pièce de réemploi est alors indéniable contribuant à minimiser les coûts de réparation et de vente et constituant au final un réel atout pour le vendeur comme pour l’acheteur. L’autre facteur de réussite à long terme de cette activité dans les garages tiendra par ailleurs dans son exposition. “Les réparateurs souffrent souvent d’un manque de visibilité, note à ce sujet Jérôme Sirgue. Ils comptent une clientèle fidèle mais font très peu de conquête de par ce manque”. A l’heure de l’espace de vente digitalisé, de l’atelier 2.0 et de la montée “en connaissances” des automobilistes par ce biais, la maîtrise du web est devenue un enjeu pour tout à chacun. Petits et grands se doivent, en 2015, de dominer un tant soit peu ce nouvel outil de travail en y étant actif ou, a minima, présent. Or, les digital natives étant loin d’être omniprésents dans la profession, l’enjeu de l’internet demeure encore trop souvent délaissé. “Il devient urgent que chacun améliore sa visibilité sur le net, avance Jean-Luc Durieux. Chez nous, jusqu’à présent, soit ils sont agent Citroën Select et profitent d’une plateforme dédiée, soit ils ne le sont pas et nous les encourageons à s’orienter vers La Centrale ou Le Bon Coin”. Pour aller bien au-delà, le groupement des agents Citroën présentera prochainement un nouveau site internet offrant une aide très concrète sur la question du VO à ses membres. L’intranet actuel laissera ainsi place à un site B to C sur lequel chaque agent pourra mettre en ligne toutes ses secondes mains, photos et descriptifs techniques à l’appui.
Gagner en visibilité sur le net
Une innovation appelée à devenir la norme dans chaque organisation. Il y a quelques jours, la Fédération nationale de l’artisanat automobile (FNAA) a présenté sa future plateforme VO (voir ci-dessous). Partenaire de ce programme via VPN Autos, David Rairolle salue la démarche et explique que la FNAA souhaite de cette manière “proposer à ses adhérents de s’adresser à des spécialistes qui ont pignon sur rue plutôt qu’à d’autres revendeurs… Pour eux, c’est un moyen de gagner en visibilité et de sécuriser cette activité”. Son de cloche similaire du côté de Précisium qui proposera à ses adhérents d’ici la fin d’année un site de vente grand public consacré à cette activité. Responsable des réseaux de l’enseigne, Sandra Henric détaille la démarche : “Actuellement, on estime qu’environ 80 % de nos garages font du VO. Parmi eux, 80 % réalisent entre 40 et 50 ventes par an et 20 % en écoulent entre 50 et 100. Avec cette stratégie digitale, on souhaite les inciter à développer cette activité pour, dans un second temps, leur permettre de capter de l’entretien”. Affichée en surcouche du site propre à chacun, une page VO recensant toutes les secondes mains de chaque garage sera ainsi intégrée alors que l’ensemble des annonces seront parallèlement visibles sur une plateforme globale. Grâce à l’appui d’un partenaire, “cette offre globale permettra de contrer les problèmes de sourcing, de financement, d’aide à la reprise ou encore de garantie” précise Sandra Henric. Une manière pour Précisium comme pour les autres de professionnaliser à moindres coûts et sans contrainte une activité amenée à poursuivre sa croissance. Encore loin de leur permettre de devenir riches comme Crésus, le véhicule d’occasion constitue en revanche un honnête complément d’activité pour des réparateurs encore souffreteux après plusieurs années moroses.